(Des Tva sauvées)
Annihiler la fraude fiscale et par ricochet freiner la croissance exponentielle des entreprises informelles au Bénin. C’est l’un des registres dans lequel s’inscrit la réforme des factures normalisées. 18 mois après, les barrières de l’évasion fiscale qui s’illustraient par le non-reversement des taxes par les entreprises sont sautées progressivement, et les Tva sauvées des mains des assujettis indélicats.
Une forte progression des recettes fiscales sans une augmentation des taux d’imposition. Le Bénin gagne depuis peu ce pari. Grâce à l’introduction en 2018 ( phase pilote) des factures normalisées , les entreprises formelles se régularisent et celles de l’informel changent de statut en moins de deux ans. Le changement forcé de comportement de ces structures a fermé lentement et sûrement la vanne de la fraude fiscale. Avant la réforme, les consommateurs béninois étaient grugés. Car, les Taxes sur la valeur ajoutée (Tva) collectées par les sociétés commerciales pour le compte du Trésor public sont distraites. Exigez donc une facture normalisée lors des achats aujourd’hui, est une preuve tangible que la Tva payée est reversée à la caisse de l’Etat. En effet, la Taxe sur la valeur ajoutée est un impôt indirect qui est payé par les consommateurs et collecté par les entreprises. Elle représente la différence entre un prix hors taxe (Ht) et un prix toutes taxes comprises (Ttc).Pour savoir qui paie la Tva, il faudrait pouvoir comparer le prix que l’on observerait en l’absence de Tva au prix en présence de Tva. En général, le prix sans Tva sera plus élevé que le prix hors taxes avec Tva, car lors de la mise en place de la taxe, la hausse des prix fait baisser la demande, ce qui fait à son tour pression sur l’offre et conduit à une diminution des prix. Ainsi, la Tva est partagée entre les consommateurs, qui paient comptablement la taxe, et les producteurs qui doivent baisser leurs prix pour limiter la baisse de la demande. Au Bénin, la Tva ( 18%) est prélevée sur les affaires réalisées sur le territoire national par des personnes physiques ou morales qui habituellement ou occasionnellement achètent pour revendre ou accomplissent des actes relevant d’une activité industrielle, commerciale, agricole, artisanale, ou d’une activité non commerciale à l’exclusion des activités salariées quand bien même que le domicile ou le siège social de l’assujetti serait situé en dehors des limites territoriales. Primo, une vente est réputée faite au Bénin lorsque celle-ci est réalisée aux conditions de livraison de la marchandise au Bénin en particulier, le lieu d’une livraison de bien est réputé situé au Bénin dès lors que le bien s’y trouve au moment de la livraison ou en cas d’exportation du bien, au moment du départ de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur ; lorsque le lieu de départ de l’expédition ou du transport du bien se trouve en dehors du Bénin, le lieu de l’importation est réputé se situer au Bénin ; si le bien fait l’objet d’une installation ou d’un montage par le fournisseur ou pour son compte, le lieu de la livraison est réputé se situer à l’endroit où est fait l’installation ou le montage. Secundo, une prestation de services est réputée faite au Bénin lorsque le service rendu, le droit cédé ou l’objet loué sont utilisés ou exploités au Bénin. Le législateur du Code général des impôts de 2021 a donné des précisions sur les cas particuliers. Constituent des opérations imposables : les importations ; les ventes ; les travaux immobiliers ; les prestations de services. Le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée est défini comme l’événement juridique qui donne naissance à la dette fiscale. Il est constitué : pour les importations, par la mise à la consommation au sens douanier du terme ; pour les ventes, par la livraison des biens ; pour les travaux immobiliers, par l’exécution des travaux ; pour les prestations de services, par l’accomplissement des services ; pour les livraisons à soi-même, par la première utilisation du bien ou service. La constatation du fait générateur ne peut en aucun cas être postérieure à l’établissement d’une facture totale ou partielle. Le montant de la retenue est reversé dans le mois où elle a été effectuée ou au plus tard le dix (10) du mois suivant. Le défaut de reversement ou le non reversement des retenues effectuées dans les délais ci-dessus est passible des sanctions. Mais comme il n’y avait pas les factures normalisées, les entreprises faisaient la déclaration à volonté. Une attitude qui crée un manque à gagner pour l’Etat.
Le résultat en 18 mois
18 mois après l’échéance accordée aux moyennes et grandes entreprises pour rentrer dans la réforme, 3 949 entreprises relevant du régime du réel, soit 70% des contribuables de cette catégorie se trouvant dans les fichiers disposent de leurs machines électroniques certifiées de facturation. Parmi, les 30% d’entreprises du régime réel qui ne disposent pas encore de Mecef, une bonne partie n’est plus réellement en statut actif du point de vue fiscal. Dans le gros lot des entreprises et consultants relevant du régime du forfait, plus de 21 500 disposent de Mecef. Avec ces résultats, il convient de préciser que ce ne sont pas seulement des entreprises formelles qui ont commencé par respecter la réforme. Selon la Dgi, l’on ne peut pas dire que ce sont seulement les entreprises qui sont formelles. Dans la mesure où les moyennes et grandes entreprises étaient déjà plus ou moins dans le fichier. C’est dans la grande masse que constituent les petites entreprises car elles sont à la lisière de l’informel que la difficulté se trouve. Mais une partie de ce groupe suivi des consultants individuels a permis d’intégrer 21 500. « Donc nous sommes sur la bonne voie. Je crois que même ceux qui étaient dans l’informel et qui aujourd’hui sont confrontés au fait que leurs clients ou leurs fournisseurs sont dans le formel, sont peu obligés d’être dans la réforme. Si vous êtes un fournisseur et que vous devez délivrer des factures à une entreprise qui en a vraiment besoin pour justifier ses déductions en TVA, elle va vous l’exiger. Ainsi beaucoup vont entrer dans la réforme », décrit Erick Akakpovi-Djihountry, directeur de la cellule de gestion de factures normalisées à la Direction générale des impôts.
L’objectif à court terme en marche
« Cette réforme vise avant tout à lutter en amont contre la fraude fiscale liée à la dissimulation des transactions. C’est d’abord une question d’équité que chaque contribuable paie ses impôts suivant sa capacité contributive réelle et non en fonction de son habileté à s’adonner à la fraude. Cette réforme contribue donc à réduire la concurrence déloyale au sein des contribuables. Notons qu’une lutte contre la fraude fiscale induit inéluctablement l’élargissement de l’assiette fiscale et assure, par voie de conséquence, l’amélioration du recouvrement des recettes fiscales » explique la Dgi. En effet, les études menées par les experts en finance montrent que l’informel a une proportion non négligeable au niveau de l’économie béninoise. Dans tous les pays du monde, la fraude ou l’évasion fiscale existe. Le Bénin particulièrement ne fait pas exception de cette règle. Il est vrai que l’administration fiscale travaille de jour en jour pour réduire cet incivisme fiscal. C’est d’ailleurs pourquoi, la lutte selon le gouvernement, ne se limite pas à la machine. Il faut faciliter par exemple les démarches des contribuables, car si la formalité est compliquée et qu’il y a des personnes sur le chemin, le contact va créer d’autres situations. Ainsi l’engouement même pour payer spontanément prendrait un coup. « Nous nous sommes dans une réforme qui vise d’abord à faciliter la vie à nos concitoyens, par exemple, les télés procédures. Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises témoignent que le fait qu’ils peuvent rester chez eux, même un jour non ouvrable et envoyer des déclarations sur une plateforme pour être à jour dans les modalités fiscales est du temps gagné. Par conséquent, ils sont encouragés pour honorer leurs obligations fiscales. Mais, je vous dis que certains ont toujours tendance à ne pas déclarer ce qui est réalisé. Mais de plus en plus avec les paramètres que nous posons, la facture normalisée, les regroupements de formations que nous avons dans des bases de données, je crois que nous tissons un filet plus ou moins large pour, même si ce n’est pas zéro faute nous allons progressivement y aller », promet Erick Akakpovi-Djihountry.
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